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Conclusion du XXXVIIème Colloque du RPH: Quelles souffrances au travail?

Quelles souffrances au travail, donc ?


Il était initialement prévu que je vous présente dans un premier temps ce que signifie le mot « travail ». Grâce à mes collègues vous avez découvert ou redécouvert son étymologie. Je ne vais donc pas insister là-dessus, particulièrement sur ce débat, « tripalium » ou pas « tripalium » : il est en tout cas question d'une référence étymologique au travail liée à une représentation de souffrance, de soumission et d'absence de liberté.

À l'opposé de ces notions de douleur et de répression, Sigmund Freud parlait, en 1905, d'une force pulsionnelle menant le sujet vers un objet(1). Et ici, le travail est un objet. Il est une voie de sublimation de cette poussée, un accomplissement de soi qui s'inscrit dans la société.


La réalité du travail et son idéalisation de la part de l'être doivent faire l'objet d'un compromis. Ce dernier est nécessaire afin que le travail présente de petites satisfactions quotidiennes, de-ci, de-là : comme la situation financière, la reconnaissance, l'autonomie, etc. Plutôt qu'une jouissance par le symptôme. Lorsque ce compromis ne s'établit pas, nous l'avons vu au cours de cette journée, de nombreuses expressions symptomatiques peuvent apparaître, et parfois de manière bien trop envahissante.


Cette jouissance, au sens lacanien du terme, se trouve aujourd'hui renommée par un autre nom : celui de «burn out ». Actuellement très à la mode et employé à tout va, il naquit dans les années 70 au travers de la littérature américaine. Mais qu'est-ce que c'est exactement, le « burn out » ?


Il peut se définir comme un syndrome d’épuisement professionnel, caractérisé par une fatigue physique et psychique intense, fatigue générée par des sentiments d’impuissance et de désespoir mêlés. Une forme victimaire est associée à ce terme de « burn out », et pourtant, les interventions de cette journée nous prouvent qu'il ne s'agit pas uniquement de cela.


Évidemment, quand nous abordons le sujet de la souffrance au travail, nous sommes tentés de pointer du doigt les conditions de travail dans la société contemporaine: Les cliniciens du RPH sont aujourd'hui intervenus sur ce qu'il se passe de l'autre côté : du côté des patients et des psychanalysants qui, à travers leurs discours, témoignent d'une souffrance réelle face au monde du travail.


Alors, ces conditions y sont-elles réellement pour quelque chose dans la souffrance de ces personnes qui travaillent, ou ces personnes qui ne travaillaient plus d'ailleurs, puisque certains abandonnent leur désir ?


Les témoignages variés, riches et complémentaires des cliniciens du RPH permettent de nous éclairer un peu plus.

Différentes situations cliniques ont été exposées à travers leurs interventions.
Tout d'abord, Lucille Mendes nous a présenté ce sentiment d'aliénation au travail.

D’autre part, Julien Faugeras nous a posé cette question intéressante en ce qui concerne l’erreur de lecture de la névrose obsessionnelle, cette organisation à échelle humaine.

La notion de la tentative de satisfaction de l’Idéal du Moi qui se retrouve confronté à la réalité a été également exposée Diane Sourrouille.

D'autre part, la question de l'intégration de l'être de structure psychotique dans la vie professionnelle, exposée par Magali Sabatier, estrégulièrement problématique puisque trouver une voie professionnelle qui convienne à l'être psychotique relève parfois du parcours du combattant. Cependant, cela ne demeure pas impossible, grâce à la psychanalyse, amenant à la mise en place de la suppléance.


Enfin, Noura Shili nous a présenté le travail sur un versant négatif : lorsqu'il n'y a pas ou plus de travail. D'autant plus douloureuse est la question du chômage que celui-ci augmente, au même titre que la précarité. Tout ceci reste au cœur des débats actuels dérangeants. Mais il y a ici une question de responsabilité de l'être dans ce qui le fait souffrir: la précarité est bel et bien un symptôme.


Le dénominateur commun entre toutes ces situations cliniques, c'est un désir en panne. Plus précisément ici, c'est l'ignorance de ce désir du travail comme le nomme Christophe Dejours en 1980(2) qui pousse à le saboter, à le maltraiter. Et c'est là que la psychanalyse entre en jeu.

En effet, elle invite l'être, par la règle de l’association libre, à découvrir et à en savoir un peu plus sur ce désir toujours en état de veille. C'est une certaine réanimation du désir qui s'opère alors en psychothérapie ou en psychanalyse.


Cette journée fût aussi l’occasion de nous rappeler l’importance de la clinique du partenariat, et de questionner ces médecins (pas tous évidemment) un peu trop complaisants, qui distribuent des arrêts maladie et, par extension, renforcent le symptôme et la résistance du Surmoi(3).


Au moment où le délai pour rendre cet écrit arrive à son terme, écrit qui constituera la conclusion de ce 37e rendez-vous, je sèche quelque peu. Je me dis qu'il manque quelque chose à cette conclusion. Puis, je suis interrompue dans cette réflexion par Monsieur C. Ce patient arrive pour sa séance, et associe librement : son travail qui lui procure une stimulation intellectuelle et lui assure une bonne sécurité financière ne lui plait pas particulièrement. Il est d'ailleurs régulièrement en retard à son bureau. Pour lui, ce n'est rien d'autre que du désintérêt.

Il poursuit : « Mais un jour je vais finir par me faire virer. Et puis, peut-être que là ce sera l'occasion de voir ce que je pourrais faire d'autre ». Je réponds alors « Et pour ça, vous êtes obligé de vous faire virer ? ». Monsieur C. poursuit immédiatement : « Oui, en fait je crois que c'est surtout un manque de courage de ma part, j'ai pas envie de me mettre dans une situation financière précaire, en quittant ce travail pour trouver une autre voie. Peut-être que j'attends de me faire virer c'est vrai, pour pouvoir dire que ça se passait mal à cause du travail et pas à cause de moi. C'est de l'auto-sabotage en fait, de l'autodestruction. »

Voilà ce qui manquait à cette conclusion, une petite illustration clinique qui met en lumière ce sabotage, comme le patient le dit si bien, qui met à jour un désir qui se trouve brouillé et contre lequel tout est mis en œuvre pour le détruire.

Merci Monsieur C, vous êtes tombé à pic !

Je vous propose de terminer sur ce passage lu dans Le psychanalyste, de Leslie Kaplan, et qui a attiré tout particulièrement mon attention :

« Pas une réconciliation avec la réalité, mais avec ses propres capacités. Vouloir ce qu’on veut, pouvoir

ce qu’on peut. Pas vouloir ce qu’on peut, aplatissement devant la réalité, ni pouvoir ce qu’on veut – le

croire –, figure de toute-puissance. Mais qu’on puisse jouer sa partie, dire son récit, répondre au monde

à sa façon. Aimer et travailler… » (p.213)(4).


(1)Freud, S. (1905). Trois essais sur la théorie sexuelle, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2014. 

(2)Dejours, C. (1980). Travail, usure mentale - De la psychopathologie à la psychodynamique du travail, Bayard, Paris, 2000.

(3)Freud, S. (1926). Inhibition, symptôme et angoisse, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2014.

(4)Kaplan, L. Le psychanalyste, POL, Paris, 1999, p. 213.

Si votre situation ou votre lien au travail vous fait souffrir, vous pouvez me contacter afin de débuter une psychothérapie avec un psychologue clinicien à Paris 9.

Voir la vidéo de la conclusion.