Consulter un psychologue pour l'angoisse. Psychothérapie pas chère à Paris 9 et Paris 18. Poire d'angoisse

Intervention au XXXIXe colloque du RPH : "Poire d'angoisse".


J'ai nommé cette intervention : « Poire d'angoisse ». Mais non, la poire d'angoisse n'est pas un fruit exotique. À vrai dire, il s'agit d'un instrument de torture dont l'époque médiévale aurait fait usage. Je dis bien « aurait », car son existence réelle n'est pas prouvée.

Mais d'abord, je vous propose une définition et une parenthèse étymologique du mot « angoisse ».

Cet affect est défini comme une « grande affliction avec inquiétude »1. Ne dit-on pas « avaler des poires d'angoisse » ? N'entendons-nous pas parler régulièrement d'angoisse de séparation, d'angoisse d'abandon, d'angoisse de mort, d'angoisse de morcellement ou encore d'angoisse de castration ? Qu'est-ce que tout cela veut dire ?


Sa racine latine « angustia » signifie « resserrement ». La racine « ang » désigne le mot « angle », c'est-à-dire la rencontre de deux droites qui forment une pointe en leur sommet. Cette image rejoint l'idée de resserrement évoquée plus tôt. D'ailleurs, dans plusieurs langues, la racine « ang » signifie : « l'angle aigu où l'on est resserré ». Dans la langue française, la racine « ang » se retrouve notamment dans deux mots : « angoisse » et « angine ».


Au quotidien, dans sa consultation, le clinicien se doit de travailler avec les symptômes corporels des patients et des psychanalysants. En effet, dans le cas de la somatisation, nous pouvons dire que la libido s'est écoulée dans la scène corporelle, puisqu'elle n'a pu passer par la parole.


Cette origine étymologique et sa définition illustrent parfaitement ce que décrivent les patients et psychanalysants en termes de manifestations psychiques et corporelles lorsqu'ils parlent de ce qu'ils qualifient d'angoisse.


La clinique quotidienne rejoint la symbolique de la poire d'angoisse. Petit objet en forme de poire donc, elle se présente de la manière suivante : à l'aide de ressorts ou de petites vis situés à l'intérieur, la poire s'ouvre et s'élargit. Elle ne peut revenir à sa taille initiale qu'à l'aide d'une clef. Cette petite boule était introduite dans un des orifices de la victime : le plus souvent dans l'orifice buccal. Cet instrument de torture du XVe siècle servait aussi, plus simplement, à bâillonner un prisonnier pour l'empêcher de parler. L'avantage de la poire d'angoisse résidait dans le fait qu'elle protégeait les bourreaux des cris difficilement supportables pour leurs délicates oreilles.


Voici, en guise d'illustration, un bref extrait d'un récit fictif mettant en scène l'utilisation de la poire d'angoisse : « Harry Dickson voulut crier, mais aussitôt, il sentit une douleur affreuse lui vriller la gorge : quelque chose se gonflait dans sa bouche dès qu'il essayait d'émettre un son. C'était une ingénieuse poire d'angoisse qui lui permettait de respirer, mais non de crier ou de parler. »2


C'est de cela dont il s'agit dans la clinique : l'être pris d'angoisse respire, certes, il vit, mais il ne peut dire un mot. Autrement dit, il ne se positionne pas en tant qu'être parlant.


En psychanalyse, l'angoisse désigne un affect de déplaisir, plus ou moins intense, qui se manifeste à la place d'un sentiment inconscient chez une personne dans l'attente de quelque chose qu'elle ne peut nommer.


Chris Bishop, historien, infirme l'existence de la poire d'angoisse en tant qu'instrument de torture. Selon son hypothèse, elle était en fait un instrument chirurgical dans la lignée du spéculum3.


Eh bien, je vous propose ici de faire un parallèle entre cet instrument qu'est la poire d'angoisse et ce qui se joue dans la cure d'un être lorsque l'angoisse apparaît. L'affect qu'est l'angoisse peut être à la fois un instrument de torture et un instrument d'opération. D'un côté, l'angoisse est vécue par le patient ou le psychanalysant comme une véritable torture, l'empêchant souvent de respecter la règle fondamentale de la psychanalyse lors des séances. De l'autre côté, l'angoisse peut au contraire être employée par le garant de la cure pour opérer cliniquement.


Très tôt dans son œuvre, Sigmund Freud s'interroge sur la nature de l'angoisse. Il dégage la névrose d'angoisse en 1895 dans son article « Du bien-fondé à séparer de la neurasthénie un complexe de symptômes déterminé, en tant que “névrose d’angoisse” »4. L'état d'attente anxieuse devant le rien ou devant le vide serait le noyau de l'affaire. Ce qui la distingue de la peur par exemple, c'est son caractère diffus ainsi que les manifestations somatiques qui l'accompagnent.


Mais l'angoisse n'est encore considérée, à l’époque, que comme un symptôme de la névrose. Freud dit de cet affect qu'il est le fruit de toute frustration sexuelle. L'angoisse représente un débordement libidinal, un trop plein, un déséquilibre économique. Le quantum d'affect, détaché de la représentation suite au refoulement, se trouve alors transformé en angoisse.


Mais Freud, reprenant sa théorisation de l'angoisse en 19265, contredit sa première hypothèse. Désormais, il affirme que c'est le refoulement qui naît de l'angoisse et non l'inverse. L'angoisse se produit et se manifeste afin de faire barrage aux désirs inconscients de l'être. Son siège est le Moi et elle occupe une fonction d'autoconservation, ou mieux de signal d'alarme.


L'angoisse de castration semble représenter l'origine de toute angoisse. Dès que le Moi reconnaît l'angoisse de cette punition, il se met en alerte. C’est alors que l'angoisse se tient prête à se fixer sur n'importe quel objet, aboutissant, par exemple, à la formation de phobie(s).


L'angoisse de castration change la donne pour comprendre ce que ce signal d'alarme a d’intéressant. Elle n'est plus considérée comme un signal d'alarme face à un danger mais comme « une réaction face à une perte, à une séparation »6. Cette angoisse face au manque rejoint une angoisse originelle, celle de la séparation avec le premier objet d'amour : la mère. C'est donc la perte de la mère ou du phallus qui est angoissante.

Puis, durant l'année 1933, Freud nourrit davantage ses travaux sur l'angoisse. Dans « Angoisse et vie pulsionnelle », il nous enseigne que l'angoisse et le symptôme sont intimement liés. L'angoisse se trouve être le prédécesseur, le symptôme son successeur. Le symptôme vient remplacer l'angoisse, tel un bouclier. Symptôme et angoisse se relayent alors sur la scène psychique7.


Jacques Lacan reprend, durant l'année universitaire 1962-1963, dans son Séminaire Livre X8, la théorisation freudienne de l'angoisse. Pour lui, il ne s'agit pas du manque, mais plutôt du manque du manque. L'angoisse n'est donc pas sans objet, bien au contraire. L'angoisse survient lorsque n'importe quel objet vient à la place de l'objet a, qui est objet cause du désir, et qui ne peut être désigné par un objet réel. C'est donc un objet, voire un trop-plein d'objets, qui provoque cet affect central. Comme cité plus tôt, Freud dit que l'angoisse est le moteur du refoulement. Lacan confirme ces dires mais l’énonce d'une manière toute autre. L'angoisse, selon ce dernier, est l'agent qui permet de produire l'objet, cause du désir. Autrement dit, l'angoisse appelle au manque.


L’angoisse ne signale donc pas la perte de la mère ou du phallus, mais plutôt le défaut du manque afin de protéger le Moi de l'être d'un risque de disparaître dans l'Autre. C'est principalement sur ce point que Lacan se trouve en désaccord avec Freud. Il ne s'agit pas d'un signal face à un danger interne, mais plutôt d'un signal face au danger que représente le désir de l'Autre. L'angoisse met en garde le Moi que l'Autre le désire et qu'il y a donc un risque pour ce dernier de s'évaporer dans l'Autre. C'est l'angoisse d'être ce dont l'Autre manque9.


Ce que nous pouvons retenir d'essentiel dans l'enseignement de Lacan en ce qui concerne l'angoisse, c'est que le manque est nécessaire. De toute façon, l'être est structurellement manquant. Et c'est lorsque le comblement total se fait sentir, que le manque vient à manquer, que l'angoisse surgit.


Que l'être soit structurellement manquant est nécessaire pour qu'il soit désirant. Nous ne pouvons pas désirer ce qui n'est pas manquant. Cela tombe sous le sens ! Être totalement comblé supprime le désir, et quoi de plus angoissant pour l'être de vivre sans désirer ?


Lacan insiste : « Il y a toujours un certain vide à préserver, qui n’a rien à faire avec le contenu, ni positif, ni négatif, de la demande. C’est de son comblement total que surgit la perturbation où se manifeste l’angoisse. (…) La demande vient indûment à la place de ce qui est escamoté, a, l’objet. »10


N'entendons-nous pas souvent ces êtres qui se sentent étouffés face à un amant, par exemple, à un partenaire amoureux qui tente de combler tous leurs désirs. Ces êtres qui finissent par s'enfuir face à un tel envahissement ? Cette expression commune « il ou elle m'empêche de respirer », qui ne l'a jamais entendue ? Il n'y a alors plus de désir et l'être prend ses jambes à son cou. C'est comme cette image de poire d'angoisse, qui prend toute la place dans l'orifice buccal et qui barre la possibilité de laisser passer ne serait-ce qu'un son de la part de sa victime.


Alors, l'angoisse est-elle une question, ou une réponse ? Peut-être ni l'une, ni l'autre, mais une demande ou une quête. Plus précisément une quête du manque.


De quelle(s) manière(s) le clinicien peut-il ou doit-il opérer avec les manifestations d'angoisse chez l'être qui lui rend visite dans sa consultation ?

Jacques-Alain Miller nous enseigne que la traiter n'est pas la solution11. Au contraire, il s'agit de s'en servir comme appui pour l'avancée de la cure.

Lacan nous indique que l'angoisse est primordiale car elle vient dire quelque chose sur le désir inconscient de l'être. La supprimer reviendrait pour le clinicien et pour le patient à se priver de précieux indices pour en savoir plus sur le désir inconscient. Lacan invite donc le clinicien à saisir les différents épisodes d'angoisse chez les patients et les psychanalysants qu'il reçoit. L'idée mise en avant est de ne pas se dérober face à ses manifestations, parfois puissantes. Comme il le dit si bien : « Nous allons essayer, cette angoisse, de la prendre sous le bras. »12 La prendre sous le bras donc, afin de mettre à jour les signifiants refoulés13.


Lacan affirme : 

« L’angoisse c’est ce qui ne trompe pas. » « L'angoisse, c'est cette coupure – cette coupure nette sans laquelle la présence du signifiant, son fonctionnement, son sillon dans le réel, est impensable – c'est cette coupure s'ouvrant, et laissant apparaître ce que maintenant vous entendez mieux, l'inattendu, la visite, la nouvelle, ce qui si bien exprime le terme de pressentiment, qui n'est pas simplement à entendre comme pressentiment de quelque chose, mais aussi comme le pré-sentiment, ce qui est avant la naissance d'un sentiment, (...) ce  qui est la véritable substance de l'angoisse, c'est ce qui ne trompe pas, le hors-doute (…) dans l'angoisse, se tient d'affreuses certitudes »14.


Ce qui peut paraître être une tâche complexe avec l'angoisse dans la cure psychanalytique, et c'est d'ailleurs ce qui la caractérise, c'est qu'elle est difficilement descriptible et dicible. Les mots manquent, il y a un manque à dire.


Une patiente disait il y a quelques temps : « J'arrive pas à traiter mes angoisses sur l'instant, parce que je pense déjà aux futures angoisses, du coup je me fais une montagne d'angoisses ! Mes amis me disent de prendre des anxiolytiques, mais je me pose la question, est-ce que j'en prends ou pas ? »

Je l'invite à associer librement ses angoisses, ici dans sa cure, chose à laquelle elle répond : « De toute façon, j'ai pas envie d'en prendre, prendre des anxiolytiques c'est mettre un voile sur la souffrance. Même si ce serait peut-être plus simple, mais du coup je règlerais pas cette souffrance. » Eh bien, je n'aurais pas dit mieux !


La cure psychanalytique apaise l'angoisse car elle permet le manque par introduction de la castration. Elle invite à se dégager de tous les savoirs explicatifs, logiques, auxquels s'accrochent les patients et psychanalysants. C'est à cela que répond la règle fondamentale de la psychanalyse, celle d'associer librement ses pensées. Elle déroute souvent dans un premier temps les patients, mais lorsqu'elle est respectée, la route vers le savoir reprend de plus belle. Plus exactement : le savoir du désir inconscient.


Petit anecdote personnelle pour finir. Justement, à l'occasion de cette intervention, cet affect d'angoisse s'empare de moi. En effet, c'est ma première intervention, la pression est là et forcément je n'ai pas envie de la rater. Je commence alors à me plonger avec sérieux dans l'œuvre de Freud, puis de Lacan que je découvre à peine car ma formation n'en est qu'à ses débuts. Je retourne encore à Freud, puis cherche sur internet, lis des thèses en psychanalyse qui traitent de l'angoisse, refais un dernier détour par le Séminaire X de Lacan. Je croule alors sous les informations que j'ai du mal à digérer. Tout est intéressant, saisissant et fait sens. Cela fuse dans mon esprit, j'ai envie de tout dire, tout ce que j'ai lu, mais comment ? Il est temps de me mettre à écrire et là, je bloque. Je n'arrive pas à faire le tri, à choisir, à organiser mon propos, bref, je n'arrive pas à accepter que je ne puisse pas tout comprendre et tout utiliser dans cette intervention. Un trop-plein d'informations et me voilà angoissée et complètement paralysée. C'est lorsque j'ai compris que cette intervention ne pouvait pas être parfaite, et que je devais faire avec mes moyens de jeune clinicienne en apprentissage, que l'écriture s'est faite. Accepter que je manquais est devenu tout à coup revigorant.



Freud, S. (1895). « Du bien-fondé à séparer de la neurasthénie un complexe de symptômes déterminé, en tant que “névrose d’angoisse” », in Œuvres Complètes, Vol. III, Paris, PUF, 2004, pp. 29-58.



Freud, S. (1926). « Inhibition, symptôme et angoisse », in Œuvres Complètes, Vol. XVII, Paris, PUF, pp. 203-286.



Freud, S. (1933). « Conférence 32, Angoisse et vie pulsionnelle », in Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, Éditions Gallimard, 1984, p.115.



Lacan, J. (1962-63). Le Séminaire, Livre X, L'angoisse, Paris, Éditions du Seuil, 2004.



Miller, J-A. « Introduction au Séminaire de L’angoisse de Jacques Lacan ». La Cause freudienne, 2004, n°58, pp. 60-100.



Liens internet :



International Journal of Cultural Studies.The 'Pear of Anguish': Truth, Torture and Dark Medievalism, 2014, https://www.academia.edu/5826375/The_Pear_of_Anguish_Truth_Torture_and_Dark_Medievalism



Le dictionnaire Littré. Angoisse, https://www.littre.org/definition/angoisse



Linkfang.Poire d'angoisse, 1998, https://fr.linkfang.org/wiki/Poire_d'angoisse